mardi 13 juillet 2010

Dis meussieur, c'est quoi une photo ?

Salut cousine, je t'ai un peu laissé tomber, mais je participais à un stage de chant pendant lequel j'ai massacré du Haendel avec constance.
Tu as remarqué, que dans chaque groupe que le hasard réunit, il y a un boulet ? Comme je fréquente surtout des photographes, je connais assez bien le sous-embranchement du boulet photographe.

Portrait du boulet photographe

D'abord, c'est un mec, le mâle alpha dans toute sa splendeur. Chez lui, le concours du plus gros objectif a un relent freudien indéniable.
Le boulet photographe pense être un expert, a failli gagner des concours, connait intimément Depardon et d'ailleurs lui téléphone tous les jours, a été publié une fois dans Chasseur d'Images, et tient à le faire savoir. On le connait depuis cinq minutes qu'il a déjà sorti son matériel et t'invite a en faire autant, certain de dominer le troupeau (là ce n'est plus Freud, mais la Vie des animaux).

J'en ai connu un particulièrement gratiné, lors d'une semaine en Toscane. Ce type était capable de sortir absolument tous les clichés proscrits des forum(s ?), et tentait (heureusement en vain) à la moindre occasion de lancer la discussion sur les sujets qui fâchent, avec cet aplomb que seuls connaissent les vrais khons.

Nikon c'est mieux que Canon (ou le contraire, hein)
Le noir et blanc c'est mieux que la couleur
Le numérique c'est la fin des vrais photographes
Le post-traitement c'est le mal (accompagné de l'argument qui tue : "ce n'est pas de la photo")

Moyennant quoi il nous fait admirer le cliché dont il est le plus fier, ses grolles de marche (à ses pieds), version nb floue, film argentique. Tout le monde n'est pas Cartier-Bresson, nespas.  Mais bon sang qu'est-ce qui permet à ces amateurs arrogants de s'approprier la définition de la photographie, de s'imaginer garants de LA Vérité et du Vrai ?

Photographier, c'est graffer avec des photons (des vrais aussi) (désolée, pas pu m'en empêcher) ; écrire avec la lumière. Point barre.
Une surface photosensible, de la lumière, toutes les sortes de surfaces et toutes les sortes de lumière. Les grosses boites en acajou, les petits compacts, la camera oscura. Le papier, l'écran. Les couleurs d'origine, ou d'autres, ou pas. La lumière de ce moment, celle dans ta tête. Tatie dans son fauteuil ou l'arbre du jardin ou ce que ton oeil rêve derrière les formes.

(je me souviens lui avoir, hélas momentanément, cloué le bec, en faisant remarquer que la nature, autant que je sache, n'est pas en noiréblanc, et que donc post-traitement il y avait sur tous ses clichés. L'argument est libre de droits, si jamais tu en as l'usage)

Tiens, un petit exemple : je regarde le film Sherlock Holmes, lequel traverse un pont en fiacre. La caméra et moi avec et je suppose Sherlock aussi balaye le paysage, c'est un plan qui dure quelques secondes. Je fais ce que je fais toujours en pareilles circonstances, que je sois à pied, en voiture ou en DVD ... je shoote. Et puis je recadre un tout petit peu, je retravaille les ombres, applique par touches légères deux ou trois filtres.




Dis, madame meussieur, c'est de la photo, ça ?

*****

1 commentaire:

  1. Oui, je vois très bien de qui tu parles, et même si je n'arrive jamais à jeter la pierre à des gens que j'ai côtoyés, cette personne est assez significative de ceux qui pratiquent la photographie pour son côté caste et protechnique de préférence. On en oublie souvent que tout le monde peut faire de la photo et qu'il ne suffit pas de la formater pour se sentir chez soi.

    Personnellement, j'oscille entre le côté artistique et technique au grès de mes périodes de travail, et plus j'évolue dans ce domaine, plus j'apprends à respecter celui qui ne dit rien, mais qui pratique cette activité comme un art de vivre – au passage merci Maurisse pour cette vision des choses –.

    En bref, apprendre à faire de belles photos revient à dire : regarde ce que je fais, essaie de ressentir ce que j'ai voulu dire, et oublie tout le reste.

    J'ai adoré ton texte.

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